Prunay après la Révolution

Cartographie du village après la Révolution

A quoi pouvez-bien ressembler Prunay à cette époque ? Qui habitait à Prunay ? quels métiers exerçaient nos concitoyens ?

Par chance, les officiers chargés de l’Etat Civil, en cette période post révolutionnaire, ont consigné avec soin de nombreuses informations concernant les habitants du village, leurs professions et mêmes leurs adresses.

En effet, une lecture attentive des registres de naissances, décès et mariages à Prunay entre 1793 et l’An VIII fournit déjà une esquisse de la cartographie du village actuel.

Cette lecture permet également de situer les emplacements des commerces et artisans d’autrefois.
 

Les hameaux
 
Les Hameaux encerclant Prunay existent déjà et sont habités : Boinville-au-Chemin, Gérainville (Gérinville), Frainville (Frinville), Ymorville, les Vaux (les Veaux), Crossay, Augerville et même  Flosville (Flauville), commune appartenant aujourd’hui à Sours.  On trouve aussi Le Hasard (le Azarre), lieu-dit au bord de la Nationale 154.

D’autres ont été rayés de la carte comme le Hameau de Bonnes Ecures ou celui du Grand Moulin, du nom des anciens moulins de Prunay aujourd’hui eux aussi disparus.

Dans les Hameaux , la population est essentiellement agricole

 Augerville rassemble des agriculteurs : 3 cultivateurs sont cités. L’un d’eux étant  aussi Agent Municipal et officier de l’Etat Civil.

Les 2 lieux-dits, Flosville et Crossay, sont constitués de corps de ferme uniquement. On retrouve au côté des cultivateurs (bien souvent propriétaires de fermes), des ouvriers agricoles : journaliers, laboureurs, charretiers.

Même configuration pour Boinville et Gérainville avec une population active déjà plus importante.

Frainville regroupe plusieurs artisans du bâtiment. C’est le lieu de résidence de 3 charpentiers, 2 couvreurs, un maçon et des marchands.

Ymorville représente une zone d’activités liées à la laine ou au cuir : un berger, un marchand de laine, un peigneur de laine, un fabricant de bas et un cordonnier.
 

Le bourg
 
 – La Grande Rue, artère majeure de Prunay  existe déjà sous le même nom à cette époque comme en témoignent les registres.  C’est le long de cette rue que la population du village s’est majoritairement installée. On y trouve des marchands, un bourrelier, un maréchal, un menuisier, un cordonnier, des cultivateurs et charrons.

A noter qu’un habitant de Prunay cumule les fonctions de marchand, cabaretier et bourrelier !

 La Place du Carrefour ou « Carrefour de Prunay » (actuelle place du 14 juillet) est l’emplacement stratégique de Prunay.

C’est ici que se concentre la majorité des commerces : marchands, cabaretiers et boulangers.
On y retrouve aussi les activités liées au traitement de la laine comme des peigneurs de laine, marchands de laine, marchands de bas et tailleurs d’habits. A noter que ces professions s’exercent de Père en Fils. Rien que sur cette place et Grande Rue on dénombre environ 5 peigneurs en laine sur la période concernée ! (17 en tout sur Prunay). Sans compter ceux qui exercent autour de Prunay : à Gérinville et  Crossay essentiellement.
Quant aux marchands de laine et de bas, ils sont 10 sur Prunay (dont la moitié sur cet espace marchand). Ce qui laisse supposer par ailleurs que l’élevage de moutons devait être très répandu autour du village.
Dans les registres, sur la période étudiée, 9 bergers sont cités (dont 4 à Boinville-au-Chemin).

 Autre rue habitée : la rue du Croquenot (ou Croqueneau ou encore Croquenault). Cette rue n’existe plus aujourd’hui. Cependant des cartes postales datant du début du siècle représentent la Mare du Croquenot au croisement de la Rue de l’égalité et de la rue de la Mairie. Cette rue commençait probablement à ce niveau et s’achevait au bout du village en direction de Frainville. (donc les derniers numéros de la rue de la Mairie actuelle). 

L’étymologie du nom – « croquenot » signifie « gros soulier de marche » en langage argotique –  pourrait laisser supposer qu’autrefois un cordonnier y habitait …
Dans les actes étudiés, un cordonnier officie à Prunay mais il n’est pas mentionné l’adresse où il habite précisément. Mais il y a un bourrelier travaillant le cuir dans cette rue…. Fait étrange : ce mot n’est apparu qu’au XIXème siècle d’après les dictionnaires de langue française…A vérifier donc s’il n’existe pas un autre sens du mot

Dans la rue du Croquenot résident aussi un maçon et sa femme qui exerce la profession de sage-femme, un chirurgien, un boulanger, un tailleur d’habits.

On relève également, en tant que zone d’habitation, le Cartier des Cours  (ou « Les Cours ») qui semble être l’Impasse des Cours actuelle. Ce « cartier » comme il est appelé alors regroupe des journaliers et peigneurs en laine, un ancien maître d’école. Il existe également une « Rue de la Grande Cour » qui désigne peut-être le même endroit.
Un habitant habite précisément « Proche la Mare dite la Grande Cour ». On y trouve un marchand et un chartier. 

Quelques habitants (essentiellement des cultivateurs) sont riverains de la Grande Mare. La Grande Mare a disparu aujourd’hui, mais il subsiste la rue de la Grande Mare au bout de Prunay en direction de Boinville au Chemin.

De même, le Grand Moulin, a été détruit, mais sa rue existe toujours au bout de la Grande Rue à gauche (parallèlement à la rue d’Auneau). A l’époque, 2 frères y demeurent en tant que meuniers. Un autre meunier travaille au Moulin des Bonnes Ecures (situé après les Vaux).

2 autres rues sont également citées : Les Rue du Bout de Prunay (ou « cartier dit Le Bout de Prunay ») et Rue du Coin du Bois. Ces rues ont vraisemblablement été rebaptisées autrement depuis, vue l’approximation de leur appellation en 1793. On trouve une mare dans la rue du Bout de Prunay puisqu’un peigneur de laine réside précisément  « proche la Mare dit du Bout de Prunay ». Dans cette rue résident 2 bergers, 2 charretiers, et … un huissier !

A Prunay, sans que ne soit indiqué leur domicile précisément, on trouve encore un notaire public et son élève-notaire, un maître boucher, des compagnons maréchaux, un marchand qui est aussi « maître de petite école » !  Et, plus curieusement…un géographe.

 

Corpus étudié

Cette synthèse a été réalisée à partir du dépouillement du registre de l’État Civil datant des années 1793 à l’an VIII (soit 1799). 257 noms d’habitants de Prunay ont été répertoriés et consignés sous la forme d’un tableau alphabétique, présentant leurs noms, prénoms, professions et adresses. Les patronymes sont transposés tels quels avec l’écriture d’origine. 

Consulter le tableau au format PDF

 Ce « corpus » n’est pas exhaustif et ne concerne qu’un quart de la population de Prunay à cette époque (998 habitants en 1793). Les Prunay-Gilloniens cités dans ce registre sont essentiellement des personnes venues déclarer une naissance, signaler un décès ou se marier.

On retrouve bien souvent, hormis les parents des nouveaux-nés et la famille des décédés, les personnalités importantes du village : l’instituteur (qui sait lire et signer), la sage-femme (qui accouche les femmes enceintes), le cabaretier ou le boulanger (populaires et disponibles)

Peut-être découvrirez-vous vos ancêtres si vous êtes Prunaysiens de longue date !
 

Curiosités relevées à la lecture du registre

La lecture d’un registre est une source d’informations historiques mais pas seulement.

Voici un florilège d’anecdotes relevées en dépouillant les différents actes de naissance, décès ou de mariages.  

On ne décède pas toujours chez soi…

ALLAIRE Marie Louise, décédée chez Pierre LASNE Rue du Carrefour

CARRE Marie Rose, enfant en nourrice chez sa grand-mère aux Vaux et décédée chez elle à l’âge de 8 mois

LOREAU Pierre François, enfant de 2 mois décédé à Prunay chez sa nourrice Marie Magdeleine Cécile Rozalie ISAMBERT, fils de Jean-François LOREAU aubergiste au Faubourg La grappe à Chartres et de Marie Jeanne LONDIEU ?

 

…ni dans son lit

GENET François, Peigneur en laine à Prunay décédé : « tombé par accident dans un puits situé dans la Grande Rue » (il existe un rapport effectué par le Juge de Paix du Canton d’Auneau qui relate en 3 pages cet accident, digne d’un fait divers !)

Description du cadavre découvert dans le puits : « cheveux gris, taille de 5 pieds et 2 fourches, vêtu d’une veste grise, culotté de peau… »

Le chirurgien de Prunay examine le cadavre : « sa mort n’avait été occasionnée que par la submersion dans l’eau »…

 

On accouche chez l’habitant 

VACHER Adélaïde,« originaire de Plaisires Bouchard Taverni, district de Pointoise, fille passager accouchée à Azarre chez Antoine PETIT »

 

Les liaisons illégitimes sont scrupuleusement répertoriées… (Sic !)

CHASLES Mélanie, « Mère d’un enfant naturel né du commerce charnel qu’elle a eu avec Pierre ISAMBERT soldat volontaire en activité de Service dans nos armées de Terre » Lui-même fils de Etienne ISAMBERT et de Françoise BILLETTE de Prunay

 CINTRACT Marguerite Pélagie« fille naturelle de Marie Catherine GILLET et d’un dénommé Cintract berger domicilié à Generville (Sours) »

 JOUANNES Marie Marguerite Pélagie, enfant née à Gérinville « née du commerce charnel de sa mère CINTRACT Marguerite Pélagie avec Julien JOUANNES Batteur en grange domicilié à Bretancour, Commune de Saint Martin (Seine et Oise) district et canton de Dourdan, celle-ci y étant domestique »

 

Et les séparations de corps inscrites sur le papier 

BOIVIN Marie Magdeleineest la « Femme délaissé de François LEGROS » – Ce même François LEGROS étant absent de la commune depuis…31 ans !

 GENET Marie Anne est aussi la « Femme délesé » de François CAILLAUX Charpentier

 SACAVIN (!) Marie Jeanne« Femme délessée de Louis LANOUE, accouchée dans l’étable de la ferme de Frinville de Jacques LETANG »

 

On ne se marie pas forcément entre Prunaysiens

MASSOT Denise épouse Louis Pierre HEBERT « parisien nourrisseur de bestiaux domicilié à Paris Chaussée du Maine n° 1637, Division du Luxembourg »

 

On meurt jeune

DECOURTY Louis Hippolyte (fils de Jean Baptiste et Michel LEBLANC) décédé âgé de 3 jours à Crossay – Sa mère Michel LEBLANC décède 7 jours après la naissance de son fils

 ROZIEE Etienne décédé âgé de « 3 décades » (fils d’Etienne Bénigne et Marie Louis DELARUE)

 POUPARD François Théodore– décédée âgé de 3 mois (fils de François Théodore et Marie Madeleine Chasles)

 DUCHON François Onésime Casimir décédé âgé de 8 jours (fils de Louis Jacques et Marie Françoise ISAMBERT)

 LACHAUME Marie Madeleine décédée à 22 jours (fille de Denis et Madeleine HUREAU)

 ROZIER Prospert décédé à l’âge de 24 jours (fils de Jean Louis et Marie Madeleine DELACHAUME)

 TEMOINS Louis Pierre décédé 7 heures après sa naissance (fils de Louis Pierre et Marie Roze Florence SEDILLOT)

 

Ou très vieux (pour l’époque)

 NIOCHAU Sulpice, Chartier décédé à l’âge de 91 ans 

PACHOT Pierre, décédé à l’âge de 87 ans à Gérinville

PICHARD Jeanne décédée à l’âge de 87 ans

BOUDON Louis décédée à l’âge de 90 ans

BIROT Denis décédé à l’âge de 87 ans à Gérinville

MULLOT Pierre décédé à l’âge de 82 ans 

 

Question prénoms, on fait dans l’originalité… (Révolution oblige)

 

DUJONCQUOY  Constante Belzamie !  Alexandrine

FOURMONT Justine Hufragille !

GALLOPIN Frédérique Messidor

JOUSSET Abbénaire Télémaq Félix (avec l’écriture « phonétique » de l’époque)

SEDILLOT François Abricot

PETIT Faustain Laudaris

RIVARD Arceises

LEVASSORD Marie Ail (Aïe !)

PARAGOT Charles Bachante

CINTRAT François Raisin

Et pour finir …. : DURAND Broccoly Orrange !!!  

 

On dénombre 3 paires de jumelles dans la commune en 10 ans !  

HEURTAULT Françoise et Marie Claire (Filles de Louis Jacques, Journalier, et Henriette TEMOINS) nées à Boinville le 18 Nivôse An V.

Elles meurent pratiquement en même temps, le 19 Nivôse An V : « décédées à 1 jour, l’une à 5 heures du soir, l’autre à 8 heures du soir »

 RICHAULT Marie Françoise et Marie Catherine (Filles de Louis, Journalier  et Marie Françoise DEROIT) nées aux Vaux le 22 Fructidor An V.

Marie Catherine décède le 2 Vendémiaire An VI (16 jours)

 GRANGER Anriette Pélagie et Constance Félicité (Filles de Etienne et de Marie Françoise LAUMONIER), nées à Boinville le 24 Brumaire An VII et décédées l’une le 26 Brumaire An VII et l’autre le 28 Brumaire An VII. 

 

Un soldat mort pour la Patrie

TORCHEUX Louis (fils), né à Augerville  « Volontaire de la première réquisition (de) fusillés au 1er bataillon de Chartres, 90ème régiment d’infanterie Compagnie de Varville 22 ans décédé à L’Hôpital de L’Humanité de Lille 22 Thermidor An III »
 

NOTE :

 Cette synthèse a été réalisée par Carine Vanneau, après dépouillement  du registre 3E 309/6 – Prunay-Le-Gillon –NMD (Naissances/Mariages/Décès)  – 1793-An VIII

 Ce registre est en consultation aux Archives Départementales d’Eure-et-Loir situées Pont de Mainvilliers à Chartres (près du COMPA) et à la Mairie de Prunay-Le-Gillon.

Tous les registres Paroissiaux d’État Civil d’Eure-et-Loir sont également consultables en ligne depuis Octobre 2006 sur le site des Archives : http://www.archives28.fr/ec/index.php