Eugène Cellot le bienfaiteur

EUGÈNE CELLOT, LE BIENFAITEUR

Télécharger l’article complet en PDF 

  • Un fils d’agriculteurs devenu instituteur

 Eugène CELLOT est né le 18 janvier 1860 à Boinville. C’est le fils de Jules Clodomir, journalier, né le 30 octobre 1833 à Frainville et d’Augustine Alexandrine Caille, née le 19 mars 1838 à Prunay.

Le couple a eu deux enfants avant Eugène, qui n’ont pas survécu. Achille Auguste est né le 29 juin 1856 à Boinville. Il décède le 28 juillet 1856, à peine âgé d’un mois. Le 6 mars 1858, nait Augustine Camille Estelle, leur deuxième enfant. Augustine décède le 12 février 1860 à l’âge de 23 mois.

Les Cellot reporteront toute leur affection sur leur fils Eugène qui entamera des études à l’école normale.

En 1880, Eugène est instituteur adjoint à Nogent-le-Rotrou comme l’inique sa fiche matricule (Classe 1880- Matricule 241). Il est dispensé de service militaire.

Il se marie le 6 septembre 1881 à Boisville-la-Saint-Père avec Marie Eugénie Cyprienne Foiret née le 20 mars 1860 à Boisville, institutrice, également. Ils ont un fils Eugène René né le 12 mai 1882 à Combres où le couple d’instituteurs a été muté. Ils n’auront pas d’autre enfant.

Eugène est instituteur successivement à Nogent-le-Rotrou, Combres, Neuvy-en-Dunois…

En 1922, retraité, il habite à Luisant, où il est rentier. En 1924, sur les listes électorales de cette même commune, il est présenté comme « instituteur retraité » jusqu’à sa mort en 1938.

  • Les terres de la famille CELLOT

 A sa mort en 1914, Jules Clodomir CELLOT, père d’Eugène a bien prospéré … De simple journalier, il est devenu propriétaire de plusieurs terres situées à Prunay-le-Gillon précisément au champtier du « bout du Four » et à Francourville : « champtier de Belhomert ou de la Fontaine », « champtier du Truin », « champtier de la Garenne ». 

Jules Clodomir a acheté ces terres à plusieurs propriétaires, à commencer par son beau-frère Louis François Caille (né en 1845) et son épouse Joséphine Rose Piebourg. Ceux-ci, charretiers de labour à Boinville, lui cèdent quelques parcelles, en 1882, pour la somme de 1200 francs.

Cette même année, il acquiert des terres appartenant à Alcide Genet et son épouse Hortense Joséphine Guiot ainsi qu’à Léon Louis Genet, frère d’Alcide (350 francs). Les Genet étaient natifs de Bonneval.  En 1882, Alcide et son frère Léon sont facteurs de pianos, rue du Grand Cerf (actuelle Rue Noël Ballay).

En 1884, la famille CELLOT achète pour 980 francs les terres de Louis Eustache Marie Vicomte de la Saigne de Saint-Georges, alors propriétaire du Château de Fragne, commune de Vernex près de Montluçon.

Enfin, en 1889, Emelie Busson, épouse de Marie Gabriel Léon Blondeau, médecin 4 rue de la paix à Paris, cède une partie de ses biens aux CELLOT pour la somme de 2210 francs.

  • Le legs Cellot à la commune de Prunay

 Le 23 mai 1935, 3 ans avant sa mort, Eugène CELLOT rédige son testament auprès d’un notaire de Prunay : Rémi Jules CORNU. Dans ce testament olographe, Eugène CELLOT désire léguer, à titre particulier, une partie de ses terres à la commune de Prunay-le-Gillon, précisément 3 hectares, vingt-quatre ares, quarante-sept centiares de terres labourables. Ces terres sont situées sur les communes de Prunay et Francourville. En contrepartie, avec le montant du fermage des terres, la commune doit s’engager à entretenir toute l’année la sépulture de la famille CELLOT (concédée à perpétuité en 1914, au décès du père d’Eugène) et  notamment « veiller  à ce que l’espace séparant le monument funèbre de ceux qui l’entourent soit recouvert d’une couche de petits cailloux afin que l’herbe n’y puisse croître » !

Eugène CELLOT souhaite également faire don chaque année d’une somme de mille francs à une jeune fille native de Prunay-le-Gillon. Cette jeune fille devra «  être âgée de 18 à 21 ans et être issue d’une famille indigente ou pauvre« . Elle devra également être « laborieuse et d’une moralité irréprochable ». Elle sera élue au scrutin secret et individuel par les membres du Conseil Municipal.

Eugène CELLOT rappelle enfin dans son testament que ce don est offert à titre gracieux « simplement pour perpétuer le souvenir de l’honnête homme que fut [son] père et l’ange de douceur que fut [sa] mère » …

Aujourd’hui encore le Conseil Municipal élit la Rosière… avec des critères moins drastiques : il suffit d’habiter Prunay et d’avoir entre 18 et 21 ans ! 

Eugène CELLOT décéde le 18 janvier 1938 à 78 ans à Luisant, au 24 avenue Maurice Maunoury. Il est enterré à Prunay, au cimetière communal.

tombe

Son épouse décédée le 1er juillet 1940 à Fontenay le Comte (Vendée) où elle s’était réfugiée pendant la guerre. 

La  rue  principale  de  Boinville-au-Chemin, où il est né, porte son nom, ainsi que le stade de Prunay.

A noter que longtemps, on a cru que l’origine de ce legs était dû au fait que le couple n’avait pas eu d’enfant : non seulement ils en ont eu un fils mais ils ont aussi eu une petite fille…

Dans ce fameux testament daté de 1935, Eugène souhaite instituer pour légataire universel sa petite-fille Jeannine Renée Marguerite CELLOT  alors âgée de 14 ans…et non son fils. Nous allons voir pourquoi à travers les lignes qui suivent…

EUGÈNE RENÉ CELLOT, LE FILS, LE LIQUIDATEUR

  • De brillantes études dans la fiscalité

Eugène René est donc né le 12 mai 1882 à Combres. Il se fera appeler par son deuxième prénom : René.

Après de brillantes études, il est liquidateur judiciaire à Bonneval en 1902. Il est ensuite receveur à Omessa en Haute-Corse en 1907 puis receveur contrôleur à Lille en 1912. Enfin, en 1914, il est nommé Inspecteur adjoint à Lille.

D’après sa fiche matricule (n° 526 – Classe 1902 – Bureau de Chartres), il est ajourné de service militaire en 1903 et 1904 pour faiblesse…Il est cependant classé d’office Service armé lors de la mobilisation le 1er août 1914 car il ne s’est pas présenté pour être examiné par une Commission de réforme… Convoqué le 30 décembre 1915 devant la Commission de Réforme de Dunkerque, il ne s’est pas présenté, une nouvelle fois. La Gendarmerie de Dunkerque a fait connaître le 28 décembre 1915 que cet homme était resté à Lille et que l’on n’a plus eu de ses nouvelles depuis l’invasion… (extrait de sa fiche matricule).

Il se marie le 19 août 1913 à  Dunkerque avec Marguerite Ernestine Heyse.

Ils ont une unique fille, Jeannine, née le 12/08/1921 à Lille. La famille vit confortablement au 4 Rue Gauthier de Châtillon à Lille. 

De 1920 à 1940, René CELLOT et son associé François Viel ont été directeurs-fondateurs de la « Revue fiscale des régions libérées ».

  • La banqueroute de René 

En mars 1935, alors chargé d’affaires, René est ruiné par un de ses clients à qui il avait fait de grosses avances financières. Au début de l’affaire, René CELLOT n’est pas mis en cause et on craint même pour sa vie, certains journaux évoquent même un possible suicide… or, il n’en est rien, René Cellot a bel et bien fui la région. Le 25 février 1936, il est condamné à trois années d’emprisonnement par défaut par le Tribunal Correctionnel de Lille, à cinq ans d’interdiction de séjour et un mandat d’arrête est décerné contre lui …

  • … et sa fuite au Brésil 

Mais René est déjà bien loin en février 1936 ! 

Dès avril 1935, il a en effet fui au Brésil avec toutes ses économies (et surtout celles des autres…) dans la région du Paraná, dans la ville nouvelle d’Arapongas (elle ne sera nommée ainsi qu’en 1947). Il est souvent écrit, dans les livres d’histoire locale, qu’Eugène achète des terres avec sa  fille Jeannine, plus probablement au nom de sa fille.  En mai 1935, son père Eugène, rappelons-nous avait rédigé un testament instituant Jeannine, sa petite-fille, comme légataire universelle et non son fils car il état poursuivi par la justice…

René Cellot fut  le premier habitant de cette ville après avoir acheté les premiers lots de terre, comme le confirment plusieurs documents brésiliens.

 

terresCette région a été rachetée dans les années 20 par une compagnie anglaise Paraná Plantation qui y a développé le réseau de chemin de fer après une déforestation massive (hélas, ce ne sera pas la dernière…). Au cours des années 1930, la Paraná Plantation mène une campagne massive en Europe afin de faire connaître la région désormais « habitable » et leur projet immobilier, qui consiste en 5 à 100 ha de terrains ayant « la terre la plus fertile au monde et un climat adapté à toutes les races » (sic !). 

Le 16 avril 1935, les quatre premiers terrains ont été vendus, par la compagnie anglaise au Français René CELLOT et à sa fille Jeanine. Arapongas n’était alors qu’une longue bande défrichée avec quatre « rues » coupant une route. René CELLOT avait payé 1 500 $ 000 une maison d’angle, ce qui se révéla être un placement de qualité exceptionnelle car, un an après, la ville comptait quarante familles et René, ayant monté un petit commerce d’épicerie, boissons, outils, journaux le 28 septembre de la même année avait largement récupéré sa mise de fond.

René cellot - magasin

Façade de la banque Bradesco – années 1940, au coin de l’avenue Arapongas.   À cette même adresse, le français René Cellot et sa fille Jeannine ont installé la première maison commerciale et résidentielle de Arapongas le 28 septembre 1935.

En août 1935, une photo de René Cellot (Figure 7) est publiée dans le journal O Estado de S. Paulo avec la légende suivante : « Le premier habitant de la future ville d’Arapongas, un Français, M. Sélot» (avec une faute d’orthographe au nom !)

Eugène Cellot 2

photo René Cellot

                                    Le Français René CELLOT, premier résident officiel d’Arapongas, coiffé d’un chapeau                https://memoriasdearapongas.wordpress.com/2018/06/22/sobre-o-chapeu/

 

 

 

 

A noter que la présence de René Cellot est évoquée dans l’essai intitulé Tristes Tropiques (1955) du sociologue Claude Levi-Strauss, (page 134). Le sociologue évoque la ville naissante d’Arapongas « qui possédait en 1935 une maison et son unique habitant : un français déjà mûr qui spéculait dans le désert, botté de leggins militaires provenant de la guerre 1914-1918 et coiffé d’un canotier ».

L’écrivain aurait-il vue cette image parue dans la presse de Sao Paulo ?

  • Le retour en France

On retrouve René CELLOT en France en 1940 à Dunkerque, il semblerait que la fuite ait été de courte durée puisqu’il est auprès de sa mère Marie Eugénie Cyprienne lorsqu’elle décède le 1er juillet 1940 à Fontenay-le-Comte (85). C’est lui qui vient déclarer son décès. Il a alors la fonction de « représentant ».

On ne sait pas quand il a quitté exactement le Brésil. Il avait été condamné à 5 ans d’interdiction de territoire en 1935. Il a pu revenir en France pendant les temps troublés de la 2nde guerre mondiale.

Il semble s’être installé de nouveau dans la région Lilloise où sa fille Jeanne a poursuivi de brillantes études en Pharmacie. Jeanine épousera M. Jean MIEGE. Elle sera Docteur es-sciences Pharmaceutiques.

René  CELLOT décède le 8 septembre 1962 à Armentières.

Marguerite Heyse, sa femme, décède le 4 novembre 1980 à Lille.

René est enterré avec sa femme Marguerite, sa fille Jeannine, son gendre Jean MIEGE et madame ROUSSET Louise (probablement la mère de Jean MIEGE ?) au cimetière de Canteleu à Lambersart (59) – Section 23 Emplacement 11-12.

Jeannine est décédée le 19/02/2015 à l’âge de 93 ans à Lambersart (59). Elle a eu deux enfants nés dans la région Lilloise.

P.S : J’ai contacté Mme Jaqueline MIEGE, petite-fille de René qui n’a pas répondu à mon message…

Carine VANNEAU

Mis à jour le 29 avril 2022